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IL ÉTAIT UNE FOIS ...

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… La fraise des Amériques

8 juin 2020
Sous ses apparences tranquilles, la fraise est une aventurière. Du moins sa grand-mère qui était une sorte de James Bond girl avant la lettre.

Mais comment ne pas trahir son pays d’origine quand on est fraise et qu’un espion de Sa Majesté (pas la reine d’Angleterre… Louis XIV) du nom prédestiné de Frézier vous propose de le suivre de l’autre côté des océans ? Amédée François Frézier avait été envoyé par Louis XIV le long de la côte ouest de l’Amérique du Sud, pour « se renseigner » sur l’activité des colonies espagnoles.

Un peu botaniste, débarqué au Chili en 1712, il y découvrit un fruit ressemblant, mais en beaucoup plus gros, à la fraise connue alors en France, celle à petit fruit dite aujourd’hui des bois. Il en ramena quelques plants et en 1714 les confia à Jussieu pour qu’ils entrent au Jardin du Roi, l’actuel Jardin des Plantes. C’est à partir de ces plants, hybridés avec les variétés indigènes et une autre à gros fruits originaire d’Amérique du Nord (de Virginie), acclimatée en Angleterre peu de temps auparavant, que sont nées les fraises que l’on connaît aujourd’hui. L’aventurière a eu une descendance prolifique : on ne compte pas moins de six cents variétés de fraises… Des plus fades aux plus parfumées…

Amédée François Frézier

En fait, la fraise n’est pas un fruit ! Les fruits sont les akènes, ces petits grains qui en parsèment la surface. Elle, elle n’est que le réceptacle charnu de la fleur. La fraise aime le soleil, qui lui apporte saveur sucrée et parfum, mais pas la sécheresse : elle se plaît dans les régions sous influences maritimes. En France, cela a fait la fortune de Plougastel où elle a été cultivée dès le XVIIIe siècle, ou de Wépion en Belgique. En France encore, le Sud-Ouest lui convient bien, alliant chaleur et climat océanique.

La fraise est fragile et voyage mal. La recherche agronomique a beaucoup travaillé cette question. Longtemps, cela a donné des fraises résistantes mais sans goût, dont celles d’Espagne restent souvent l’exemple, malheureusement, puis les fraises goûteuses sont revenues : la gariguette, imaginée par l’INRA aux portes d’Avignon, la mara des bois créée en Sologne par Marionnet, frère du célèbre vigneron, et bien d’autres comme l’elsanta, la ciflorette, la darselect, la charlotte. Toutes des variétés à gros fruit, mais les « fraises des bois » sont toujours cultivées aussi. Leur parfum concentré est recherché pour aromatiser sorbets et entremets.

Bénédict Beaugé