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IL ÉTAIT UNE FOIS ...

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Fruits confits

30 novembre 2021
Longtemps les fruits confits n’ont été qu’une simple conserve. L’usage du sucre de canne les a transformés : leur brillance, la lumière qui s’y accroche les a changés en bijoux de la gastronomie.

Cuire des fruits dans le miel pour les conserver est une pratique ancienne, connue des Romains : Apicius parle même de coings confits entiers. Mais, en général, avec cette technique un peu brutale, les fruits se défont et, si une confiture peut être délicieuse, elle ne restitue pas leur aspect. C’est sans doute ce désir de pouvoir profiter de « vrais » fruits à contre-saison qui a conduit à mieux maîtriser leur cuisson. En France, les fruits confits apparaissent en Provence avec l’arrivée des papes en Avignon, c’est-à-dire dans la deuxième moitié du XIVe siècle et ils deviendront très à la mode partout en Europe avec la généralisation de l’utilisation du sucre de canne. Des livres d’économie ménagère anglais de la fin du XVIe siècle comme Olivier de Serres, dans son théâtre d’agriculture publié en 1600, donnent des détails sur leur fabrication.

La manière traditionnelle est longue et délicate, aussi, bien peu ont-ils conservé cette manière de faire : on est loin d’une logique de flux tendu ! Si une vertu devait caractériser l’art du confiseur, ce serait la patience… Le principe est de remplacer l’eau contenue dans le fruit par un sirop. Pour cela les fruits sont soigneusement sélectionnés : c’est la moindre des choses, ils doivent être beaux ; piqués et blanchis, ce qui permettra au sirop de mieux pénétrer, on leur donne une première cuisson dans un sirop léger. Au premier bouillon, on arrête et laisse reposer vingt-quatre heures en terrine. Le lendemain, le contenu de celle-ci, complété par un sirop plus concentré, est transvasé dans le poêlon où il subit une deuxième cuisson identique à la première. Et ainsi de suite jusqu’à ce que le degré du sirop reste stable, en augmentant le temps de repos entre chaque bouillon car, en se concentrant, le sirop met de plus en plus de temps à pénétrer au cœur du fruit. Cela peut aller jusqu’à dix bouillons étalés sur sept à huit semaines, comme nous l’explique Frédéric Jouvaud qui depuis quelques années a adjoint à sa pâtisserie de Carpentras une activité de confiseur : voyant le métier se perdre, il a appris les secrets de son art auprès de Monsieur Bono, ancien confiseur très réputé de la ville. 

Tous les fruits ne peuvent être confits de manière satisfaisante : il faut choisir les variétés, préférer les productions locales, sauf, évidemment, pour les fruits exotiques. En France, la Provence et l’Auvergne sont réputées pour leurs fruits confits, chacune ayant ses spécialités : melons, fraises et agrumes à Carpentras, angélique et abricots de Clermont, sans compter, ici ou là, poires, figues et ananas.

Bénédict Beaugé, écrivain et historien de la cuisine contemporaine